1999-2001


« Or, chez moi, même par temps clair,
Mon âme brûlante languit dans la nuit. »

Vladimir Vissotski

Samstag, 16. Januar 2010

Nouveau mur

C’était hier qu’il fallait te lancer
En un ciel pur, et égaler les astres.
Hier le destin souriait, hier tout était possible.

Rêves morts, illusions perdues, vie ratée,
Si j’ai jamais rêvé, eu des illusions – et vécu !
Hier tout, demain rien – aujourd’hui, peu.

Alors je vais m’asseoir, dos au nouveau mur,
Je vais regarder le ciel, et les astres – nuit après nuit
Jour après jour, je me fracasserai le crâne

Sur le nouveau mur, en regardant le passé.

Je m'en vais

Je n’irai plus dans ton domaine
Nous ne foulerons plus les feuilles –
Des bois dont tu étais la reine

Par amour, non par orgueil.

L’arbre crie sa plainte sereine ;
Peu lui importe notre deuil ;
Qu’importe si je fuis ma chaîne,

Par amour, non par orgueil.

Et chaque minute en plus traîne
Notre bonheur vers son cercueil.
S’il le faut, quittons-nous sans haine,

Par amour, non par orgueil.

Je m’en vais. Une larme draine
Ma petite vie jusqu’au seuil –
Qu’elle coule en mon cœur de peine

Par amour, non par orgueil !

Ils partiront dans l'ivresse

J’ai failli à ma mission.
La terre qui nous portait s’est mise à trembler.
Dans un instant moi aussi je vais m’effondrer.

Gracieuse destinée ! Je suis démasqué,
On me montre du doigt, on me nomme
Du nom de traître.

Or, le jour tourne délicatement sur mes mains écorchées.
Le soleil perce parfois, les bruits jaillissent
Jusqu’à moi, hors du silence…

Personne ne répondra quand j’aurai dit mon dernier mot au sol,
Quand j’aurai prononcé le secret que tout le monde connaît
Et je partirai, ivre de mon honneur

Décimé.

Mission du poète

Je ne t’ai rien demandé – va-t’en !
Je ne veux plus voir ton visage,
Ni entendre ta voix,

Pas même dans un miroir.

Je ne sais pas ce que tu veux.
Je sais que tu n’atteindras ni l’azur,
Ni la recomposition de ton âme,

Pas même dans un miroir.

Je ne marcherai pas à ton côté.
Je ne te suivrai pas au jour de ta mort,
Ni dans ta glorieuse vie,

Pas même dans un miroir !

Le songe de Thoutmosis IV

J’ai brûlé mon cœur. Trop longtemps j’avais cru pouvoir le suivre.
Voilà qu’il se lamente, qu’il pleure sa destinée perdue,
Voilà qu’il pousse de grands cris comme un vieil homme ivre…
Vieil homme ! C’est bien ce que je suis devenu.

Autrefois je courais parmi les pyramides, dans le désert,
Je jouais aux osselets dans les tombes de mes ancêtres,
Je riais au front des statues de pierre – et ma chair
Exhalait un parfum perdu peut-être.

Parfum ! Tu me réveilleras à la fin du monde,
Quand le dernier homme ira se pendre…
Honteux mais libéré d’une honte profonde…
Mon âme sera légère, si mon cœur est parti en cendres.

Destin

Une maison remplie de livres,
Des enfants courent dans un coin,
Ils chantent autour du sapin.
Voilà ce qu’il te reste à vivre.

Ah ! Tu n’as plus qu’à me suivre,
Je suis l’esprit de ce jardin.
Les arbres pleurent dans le lointain,
C’est moi, c’est moi qui te délivre.

Là haut il y’a un vieil homme ivre,
Un portrait dans ses mains.
Il cache ses larmes avec dédain.
C’est ton portrait que je lui livre.

De l’autre côté, des livres,
Et tout le savoir humain.
Un enfant s’est éteint.
Il lui tardait de vivre.

Dernier poème

Vole, papillon désolé.
Le soleil brille au ciel austère.
Vers le nuage solitaire,
D’un clin d’aile, va te poser.

Pas un papillon, une fleur.

Fane-toi, la joyeuse fleur.
L’arbre porte sur toi son ombre.
Aucun ami dans un jour sombre
N’arracha ton bulbe d’horreur.

Pas une fleur, un merle mort.

Pauvre petit dormeur du val !
Seul, il a combattu sa guerre…
Le soleil brille au ciel austère.
Flou. Printemps. Bonheur. Froid glacial.

Adieu.